Martin Scorsese est né le 17 novembre 1942 à New York. Asthmatique, il passe son adolescence dans les salles obscures de Little Italy et se fait une solide culture cinématographique. Il envisage successivement de devenir peintre puis prêtre, et tourne finalement ses premiers courts métrages pendant ses études à la New York University. Dès son premier film, Who that Knocking at my door ? (ressorti sur les écrans en 2009), il collabore avec Harvey Keitel qui tient le rôle principal. En 1972, le producteur Roger Corman finance Boxcar Bertha, mais Scorsese, mécontent des contraintes imposées par son producteur, retourne à un sujet plus personnel avec Mean Streets en 1973. Ce film marque la première collaboration de Scorsese avec Robert De Niro, et l’impose comme un des réalisateurs les plus prometteurs de sa génération. Trois ans plus tard, son talent est récompensé pour la première fois par la palme d’or de Cannes pour Taxi Driver, de nouveau avec Robert De Niro. Il vit ensuite une période difficile pendant laquelle il abuse de drogues. Pour l’aider à s’en sortir, Robert De Niro lui propose de tourner une biographie du boxer Jack La Motta. Ce sera Raging Bull avec l’acteur dans le rôle titre. Ce film rédempteur sera élu comme le meilleur de la décennie.
Après des échecs commerciaux (La Valse des Pantins qu’il considère pourtant comme la meilleure performance de Robert De Niro sous sa direction et After Hours), Martin Scorsese, par un mouvement de va-et-vient qu’il affectionne, se tourne vers un projet plus commercial : La Couleur de l’argent, dans lequel il sème, comme toujours, des thèmes personnels (avec notamment Paul Newman incarnant l’image du mentor). Cela lui permettra de monter un projet qui lui tient à cœur depuis les années 70 : La Dernière tentation du Christ. Le film choque l’Amérique puritaine en évoquant ouvertement la tentation de chair et le souhait d’une vie familiale tranquille qui auraient pu tarauder Jésus. Universal ayant soutenu financièrement son projet, il accepte de tourner pour le studio le remake des Nerfs à Vif, avec un Robert De Niro particulièrement flippant.
Les années 90 marquent pour lui un retour aux sources. Il dépeint le monde maffieux successivement avec Les Affranchis et Casino, en collaborant les deux fois avec Robert De Niro et Joe Pesci. Il est l’un des trois réalisateurs envisagés par Steven Spielberg pour réaliser La Liste de Schindler (1993) avec Roman Polanski et Billy Wilder. Mais il trouve qu’un réalisateur juif est plus approprié. Polanski et Wilder ayant tous deux perdu des proches lors de l’holocauste, ils ne se sentaient pas prêts à vivre un tournage de plusieurs mois sur ce sujet. Spielberg s’en est donc chargé lui-même (avec grand talent). Changement de registre en 1998 avec Kundun, sur l’enfance du Dalaï-lama, qui lui vaut d’être l’une des 50 personnes interdites de séjour au Tibet par les Chinois. La même année, il est Président du Jury lors du Festival de Cannes, qui a marqué les esprits par l’image de Roberto Benigni se jetant à ses pieds de reconnaissance pour sa victoire du Prix du Jury pour La Vie est belle.
En 2002, il a enfin l’occasion de monter un projet qui le travaille depuis près de 30 ans : Gangs of New York, véritable cri d’amour à la ville de son enfance qui, comme chez Woody Allen, tient une place particulière dans son œuvre, qu’elle soit contemporaine (A Tombeau Ouvert) ou historique (Le Temps de l’Innocence). Retraçant l’affrontement entre Américain « de souche » et immigrants dans une fresque gigantesque, ce film est aussi l’occasion pour le réalisateur de retrouver Daniel Day-Lewis après Le Temps de l’Innocence et de travailler avec Leonardo DiCaprio, devenu depuis son nouvel acteur fétiche, que ce soit pour Aviator, Les Infiltrés ou Shutter Island. En 2006, Les Infiltrés sera d’ailleurs pour Scorsese l’occasion de recevoir (enfin !) à la fois l’Oscar du meilleur film et celui du meilleur réalisateur, des mains de Francis Ford Coppola, George Lucas et Steven Spielberg, avec lesquels il formait le Nouvel Hollywood des années 70.
Ses films possèdent certaines caractéristiques formelles, révélatrices de son génie : quelques uns de ses longs métrages débutent par une séquence issue du milieu ou de la fin de l’histoire (Raging Bull, Les Affranchis et Casino notamment), quand ce n’est pas directement par l’enfance de son protagoniste (Alice n’est plus ici, Les Affranchis, Kundun, Gangs of New York, Aviator ou Les Infiltrés), héros qui par ailleurs assure souvent la narration du film en voix off. Il aime utiliser de longs plans séquences pendant lesquels il suit ses personnages principaux (le plus connu est celui des Affranchis) et, paradoxalement, utilise aussi de nombreux arrêts sur image (Raging Bull, Les Affranchis ou Les Infiltrés).
Grand fan des Rolling Stones (dont il a filmé un concert pour Shine A Light), ses bandes sons contiennent quelques classiques du groupe (Jumping Jack Flash dans Mean Streets et Gimme Shelter dans Les Affranchis, Casino et Les Infiltrés notamment). Il utilise d’ailleurs souvent la musique diégétique, c’est à dire dont la source est visible à l’écran.
Mais ses choix de personnages sont tout aussi caractéristiques : les protagonistes ont souvent des difficultés à confronter leurs valeurs à celles de la société et sont donc en conflit avec celles véhiculées par cette dernière.
De plus, ils ont souvent le syndrome de la « madone – prostituée » et sont perturbés quand les personnages féminins ne collent pas à cette image. Pour accentuer cette impression, les personnages féminins principaux de Scorsese sont souvent des blondes dont la première scène les présente vêtues de blanc et filmées au ralenti (Taxi Driver, Raging Bull, After Hours, Casino). Contrairement à l’image que s’en faisaient les personnages principaux, ces femmes se révèlent finalement être tout sauf angéliques.
Côté vie personnelle, Martin Scorsese semble aussi agité que derrière la caméra. Il a été marié cinq fois : à Laraine Marie Brennan (avec qui il a eu un enfant dans les années 60), Julia Cameron dans les années 70 qui lui donne une fille (Domenica) en 1976, l’actrice Isabella Rossellini de 79 à 82, la productrice Barbara De Fina de 85 à 91 et à Helen Morris depuis 1999, avec laquelle il a eu une autre fille, Francesca. Il met d’ailleurs sa famille à contribution dans certains de ses films : sa mère a joué celle de Joe Pesci dans Les Affranchis, sa fille Francesca, alors bébé, fait une apparition à ses côtés dans Gangs of New York. Ce n’est du reste pas le premier caméo de Scorsese qui apparaît dans After Hours et Taxi Driver, et dans certains autres films seulement de manière auditive. Il a aussi consacré un documentaire intitulé Italienamerican à ses parents.
Fidèle en amitié, il collabore fréquemment avec les acteurs Robert De Niro (il l’imaginait d’ailleurs bien dans les rôles principaux de ses deux grands projets des années 70 : en Jésus dans La Dernière tentation du Christ, que De Niro a refusé, et en Bill Le Boucher dans Gangs of New York, mais l’acteur devait être plus jeune, et c’est l’excellent Daniel Day-Lewis qui a eut le rôle. Après huit collaborations, Scorsese continue à lui demander son avis sur tous ses projets), Harvey Keitel, Leonardo DiCaprio, Victor Argo et Joe Pesci, ainsi qu’avec le directeur photo Michael Ballhaus et sa monteuse depuis 40 ans Thelma Schoonmaker à qui il a d’ailleurs présenté son mari, Michael Powell réalisateur dont il est par ailleurs un grand admirateur.
Grand amateur de cinéma comme spectateur, il est aussi connu pour son combat pour la conservation des films. Avec certains collègues, il a créé The Film Fondation qui collabore avec les archives cinématographiques américaines pour la restauration de films perdus ou en voie de disparition. Ses 3 films préférés sont d’ailleurs Citizen Kane (Welles), Les Chaussons rouges (Powell) et Le Guépard (Visconti). Il a aussi réalisé deux documentaires de référence : Voyage à travers le cinéma italien et Voyage à travers le cinéma américain et Hugo Cabret, son premier film d'animation, est un cri d'amour aux films de Georges Mélies.
En dehors du cinéma, il a aussi tourné le long clip Bad de Michael Jackson, et des publicités pour American Express : notamment une à la gloire de New York avec Robert De Niro se promenant dans une ville multiculturelle, et une assez drôle où il joue de son image de réalisateur perfectionniste avec son débit de mitraillette.